Jean Ferrat, apôtre d'une chanson engagée qu'il défendait avec ardeur

Avec Jean Ferrat, disparaît l'une des figures majeures d'une chanson française mêlant poésie et engagement politique, une tradition qu'il défendait toujours avec ardeur, même si lui-même avait abandonné la scène et le micro depuis plusieurs années.

"Beaucoup d'autres artistes sont dans la même disposition d'esprit, écrivant des textes critiques sur la société... Mais on ne les entend pas. Ils sont dans la marge et n'ont pas accès à la diffusion. N'empêche en France, dans ce domaine de la chanson militante, il y a continuation", affirmait-il en 2003 dans un entretien au journal Sud-Ouest.

Au cours des dernières années, le chanteur engagé avait régulièrement pris la plume pour défendre la chanson, multipliant les tribunes dans la presse, alertant les pouvoirs publics ou intervenant auprès des dirigeants des grands médias quand il estimait que certains artistes y étaient mal traités.

Jean Ferrat dénonçait vivement les atteintes au régime des intermittents du spectacle, la mainmise des majors du disque sur la musique diffusée en France et surtout l'absence de diversité culturelle dans les médias.

"Ne laissez pas s'éteindre la petite flamme vacillante de la chanson d'expression française. Elle résiste. A vous de la préserver, de la transmettre. Vous en avez non seulement le pouvoir, mais le devoir", écrivait-il en 2003 dans une tribune adressée aux dirigeants du service public intitulée "Qui veut tuer la chanson française?".

Le musicien se battait pour que soient reconnus des artistes souvent peu connus du grand public, dont il estimait qu'ils pratiquaient comme lui la "chanson de paroles" : Bernard Joyet, Christian Paccoud, Philippe Forcioli, Michel Arbatz, Michèle Bernard ou Allain Leprest.

Ce dernier, considéré comme un des plus talentueux paroliers actuels et auteur notamment pour Juliette Gréco, perpétue la tradition d'une chanson empreinte de poésie qui narre la violence du monde.

Peu diffusé par les ondes, Allain Leprest est pourtant vénéré par la scène française d'aujourd'hui: des artistes aussi divers qu'Olivia Ruiz, Sanseverino ou Jacques Higelin viennent de reprendre ses chansons, et il a été récompensé en janvier par le Grand prix des poètes de la Sacem.

Jean Ferrat se reconnaissait aussi dans les engagements et les textes d'artistes plus grand public comme le groupe toulousain Zebda, Noir Désir, Sergent Garcia... Et même "les p'tits rappeurs, dont souvent la forme me déplaît fortement, mais qui sont aussi dans la contestation", disait-il à Sud-Ouest.

S'il est moins cité comme référence par la nouvelle génération que Léo Ferré ou Georges Brassens, les thèmes évoqués par le chanteur n'en trouvent pas moins écho dans la chanson française d'aujourd'hui.

L'hymne à la nature de "La Montagne" se retrouve chez Tryo ou Mickey 3D, la critique de la société et la lutte contre les inégalités chez des artistes aussi divers que Les Wampas, Les Têtes Raides, Manu Chao, Bernard Lavilliers, IAM...

AFP - Bénédicte Rey - 14/03/2010